Agrivoltaïsme est un nouveau sujet qui fait débat dans la filière agricole. Pour prendre un exemple, tout dernièrement, le conseil départemental de Vendée s’est prononcé contre. Mais au fait c’est quoi l’Agrivolstaïme ? Qu’en pense la CFDT Agri-Agro ?
Le point sur quelques notions
L’énergie solaire est une énergie renouvelable, le plus souvent utilisée pour produire de la chaleur ou de l’électricité. L’installation de panneaux solaires permet de diversifier notre mix énergétique national.
Le photovoltaïque au sol (hors agrivoltaïsme) est, par principe, interdit sur les terrains agricoles. Néanmoins, une dérogation est possible pour les surfaces agricoles et forestières identifiées dans un document-cadre faisant l’objet d’un arrêté préfectoral. Seuls peuvent être identifiés, au sein de ces surfaces, des sols réputés « incultes » ou non exploités depuis une durée minimale de 10 ans. Le décret n°2024-318 définit ce qu’est un sol inculte, mais également liste les situations où une installation est possible sur sols agricoles et naturels.
Position de la CFDT sur le Photovoltaïque et le solaire
Pour la CFDT, l’énergie solaire fait partie des énergies dont la part doit être augmentée massivement dans le mix énergétique. Dans son argumentaire de mars 2022 « Pour une transition énergétique juste », elle indiquait qu’il faut :
-
- développer et renforcer les parcs solaires, en co-construisant avec toutes les parties prenantes l’acceptation sociale et en tenant compte des effets sur la biodiversité ;
- cibler des zones déjà artificialisées et les bâtiments tertiaires ;
- construire une filière de fabrication d’équipements et de recyclage.
L’Agrivoltaïsme, qu’est-ce c’est ?
C’est la conciliation entre l’activité agricole et la production d’électricité issue d’installations photovoltaïques, en gardant la priorité à la production alimentaire et en s’assurant de l’absence d’effets négatifs sur le foncier et les prix agricoles. La loi de mars 2023 sur l’Accélération de la production d’énergies renouvelables précise et encadre l’agrivoltaïsme. L’installation de serres, hangars, ombrières avec des panneaux photovoltaïques doit correspondre à une nécessité liée à l’activité agricole, pastorale ou forestière. La production agricole doit être l’activité principale de la parcelle agricole et l’installation doit être réversible. L’installation photovoltaïque doit garantir à l’agriculteur actif une production agricole significative et un revenu durable.
Les modules photovoltaïques situés sur une parcelle agricole doivent contribuer durablement à l’installation, au maintien ou au développement d’une production agricole et apporter directement à la parcelle agricole au moins un des services suivants :
-
- amélioration du potentiel et de l’impact agronomique,
- adaptation au changement climatique,
- protection contre les aléas,
- amélioration du bien-être animal.
Si l’installation porte une atteinte substantielle à l’un de ces services ou une atteinte limitée à deux d’entre eux, elle ne peut pas être qualifiée d’agrivoltaïque.
Les surfaces agricoles sur lesquelles sont présentes des structures agrivoltaïques restent éligibles aux aides PAC.
Ce que pense la CFDT Agri – Agro de l’Agrivoltaïsme
1/ Primauté à l’alimentation
Les terres agricoles ont pour vocation première de produire des aliments. La CFDT Agri-Agro est donc satisfaite de l’interdiction d’implanter des panneaux photovoltaïques au sol sur des terrains agricoles. En revanche, elle sera vigilante face aux exemptions permises pour les sols incultes et non cultivés depuis au moins 10 ans et surtout, aux surfaces qui seront identifiées dans le document-cadre.
2/ Poursuivre les recherches
Il faut améliorer les connaissances sur les productions et les itinéraires techniques qui tirent profit de la présence de panneaux photovoltaïques, sur le taux de couverture optimal et maximal par production, sur les modèles économiques et la répartition de la valeur, sur les effets de l’agrivoltaïsme sur l’environnement et la biodiversité, sur l’adaptation des installations photovoltaïques aux productions agricoles et aux itinéraires techniques, etc.
3/ Interdire le démarchage
Les propriétaires fonciers et les agriculteurs ne doivent pas être sollicités par les développeurs de projets photovoltaïques. Le démarchage, notamment des propriétaires, risque de générer des installations qui se révéleront peu profitables à l’exploitation et à la production agricole. C’est à l’exploitant agricole qu’il revient d’engager les démarches s’il estime que l’agrivoltaïsme est compatible et positif pour son modèle économique et de production.
4/ L’exploitant agricole doit décider de manière éclairée de la pertinence du projet agrivoltaïque
En complément et pour aller au-delà du rapport de contrôle préalable à la mise en service prévu par la loi (arrêté du 5 juillet 2024), une étude technico-économique approfondie doit être systématiquement réalisée lors de la phase de conception du projet. A minima, elle porterait sur :
-
- l’insertion du projet photovoltaïque dans l’exploitation ;
- l’identification des services apportés par le projet photovoltaïque démontrés par des résultats bibliographiques, des retours d’expérience ou un audit par un organisme tiers ;
- le dimensionnement et la conception des installations photovoltaïques et agricoles au regard de l’exploitation et des productions envisagées ;
- les incidences (positives et négatives) sur la production agricole en tenant compte du partage lumineux, du contexte pédoclimatique, des itinéraires techniques, les mesures correctives d’adaptation de l’installation photovoltaïque (dimensionnement, design, taux de couverture, optimisation du positionnement des cultures, plantations différenciées…) ;
- l’adéquation du projet aux contraintes de l’exploitation ;
- les risques techniques et les alternatives agricoles identifiées en cas d’échec du projet ;
- la perte de surface exploitable directement ;
- les mesures envisagées pour limiter les impacts sur la production agricole pendant la phase travaux ;
- la viabilité des débouchés et des filières agricoles pour les productions envisagées ;
- le modèle économique du projet et le plan d’affaires prévu sur la durée de vie du projet avec une comparaison avant/après ;
- les risques économiques tout au long de la durée de vie du projet et les potentielles évolutions de l’exploitation agricole avec les pistes et solutions pour y répondre ;
- les dispositions concernant le démantèlement et la réversibilité de l’installation photovoltaïque.
En complément, des matrices ou des critères d’évaluation doivent être proposés à l’agriculteur pour éclairer sa décision.
5/ Veiller à la bonne conciliation de l’agrivoltaïsme avec la transition écologique de la filière alimentaire
La présence de panneaux photovoltaïques ne convenant pas à toutes les cultures, il convient de s’assurer que l’agrivoltaïsme n’empêche pas la rotation des cultures, la présence des couverts végétaux et la diversification des cultures et de l’exploitation.
Il est, cependant, à craindre qu’un nombre réduit de cultures soit produit sur les parcelles avec panneaux photovoltaïques et ce, de manière récurrente.
Des études sont à conduire en ce sens : impact sur la transition écologique, effets sur les sols et la biodiversité, impacts sur la santé des végétaux (maladies, ravageurs) et traitements à mettre en œuvre, fertilisation…
Cela plaide pour limiter, par exploitation, le nombre de parcelles avec panneaux photovoltaïques.
6/ Limiter le nombre de parcelles avec panneaux photovoltaïques
Cette limite est nécessaire pour réduire le risque économique de l’exploitation en cas d’échec du projet et pour éviter la sur-spécialisation des exploitations.
7/ Travailler à la conciliation des modèles d’affaires et à une répartition de la valeur
Les projets agrivoltaïques concernent potentiellement et directement 3 parties : un développeur, un agriculteur et un propriétaire foncier, pour une même parcelle.
Les intérêts et les temporalités peuvent être assez différents pour chacune de ces parties. Les modèles économiques aussi. Cela amène même à se demander comment ces projets peuvent être viables. Il faut pourtant trouver une synergie et un compromis pour créer le maximum de valeur à l’échelle de la parcelle.
Les modèles d’affaires actuels génèrent une forte asymétrie dans les bénéfices. Il convient d’étudier les options pour une répartition équitable des contraintes et des risques, des avantages et des recettes.
8/ Prévoir les conditions de poursuite de l’activité en cas de défaillance d’une des parties
9/ Prévoir une réindustrialisation en France ou en Europe pour la fabrication
En effet, la filière de production est en grande difficulté face à la concurrence, particulièrement chinoise.
Il reste peu d’unités de production française et on assiste même à des fermetures de sites. Or, pour garantir un modèle durable et écologique et une autonomie stratégique, il s’agira d’intégrer cette réflexion dans le modèle, son déploiement, l’importance de raisonner aussi en termes de sobriété et de recyclage.
10/ Agrivoltaïsme et perception des aides PAC
Pour les exploitations agricoles développant l’agrivoltaïsme, nous estimons qu’au regard de l’encadrement de la loi et de l’apport positif sur les modèles de production, il n’y a pas lieu de s’opposer à leur perception des primes PAC. La question pourrait se poser si cela devient la principale source de production et de ressource pour l’exploitation, ce en quoi nous ne croyons pas à ce stade, au regard de la législation et du modèle tel qu’il est proposé aujourd’hui. La CFDT Agri-Agro devra rester vigilante a toute modification du cadre règlementaire et de l’évolution du modèle. Cela nécessitera pour notre organisation de favoriser le principe d’avoir des évaluations et des études des installations sur le territoire.
L’agrivoltaïsme peut présenter des atouts pour les productions, les exploitations et la société, mais l’existence de zones d’ombre encore importantes et de risques identifiés suscite des réserves. Les conditions ne sont pas réunies pour un développement en totale confiance de l’agrivoltaïsme. Cela nécessite des études complémentaires pour un suivi et une évaluation du déploiement de ces modèles.
Cliquez sur le lien suivant pour découvrir l’intégralité de l’éclairage CFDT Agri-Agro : Photovoltaïque et Agrivoltaïme
Vous souhaitez nous contacter ou apporter un commentaire : Je souhaite réagir